Culture Scientifique 2019/2020, Paris 3

Voici l'affiche publicitaire que je vous ai donné en cours pour que vous fassiez l'exercice pour lundi prochain. Je rappelle l'exercice : vous avez une affiche relevant d'une campagne publicitaire de Synabio, le syndicat défendant les intérêts des entreprises privées qui adhérent au label commercial AB (agriculture biologique). Pour rappel, ce label n'est pas le seul label de qualité existant, ni le seul se voulant écologique. Il existe en France notamment le label HVE (Haute Valeur Environnementale), qui a été créé par l’État français après le Grenelle de l'environnement, et qui fixe des critères objectifs très stricts pour que les agriculteurs puissent l'obtenir : ces critères se basent, dans le label HVE, sur les effets sur l'environnement, un agriculteur devant faire recours, pour l'obtenir, aux pratiques et aux traitements les plus écologiques possibles (moins de pollution possible, conservation du sol, respect de la biodiversité, etc). Le label AB, au contraire, interdit tout traitement et technique "de synthèse" ou non traditionnelle, même quand ces traitements et techniques sont meilleurs pour l'environnement dans leurs effets. Cet interdit est rappelé dans l'affiche publicitaire en question, qui souligne l'interdiction des pesticides "de synthèse". Le disciplinaire de l'agriculture biologique présuppose que les substances synthétisées par l'homme sont toujours plus dangereuses que les substances synthétisées en nature. Cela va à l'encontre des bases mêmes de la science chimique : la même molécule, synthétisée par l'homme ou par un organisme ou un phénomène naturels, reste identique. Non seulement : la plupart des substances synthétisées par l'homme existent déjà en nature, et les réactions chimiques obtenues par l'homme ne font souvent que reproduire des réactions chimiques de synthèse existant en nature. Ainsi (comme nous l'avons vu en cours, par exemple, avec les composants chimiques naturels d'un fruit comme la fraise) une substance naturelle aura l'air très dangereuse et "contre-nature" du simple fait de l'appeler par son nom "vrai" scientifique (chimique), ou par son code européen d'additif (lettre E suivi d'un chiffre). Rappel : il n'y a pas des "substances chimiques" ou des substances "non chimiques". La base même de la chimie qu'on devrait apprendre dès les premières années d'école (et qui remonte à Lavoisier, père de la chimie moderne) est que tout est chimique.

Dans l'affiche en question justement, les entreprises qui ont payé la campagne publicitaire demandent d'apprendre par cœur une liste de substances qui seraient (on comprend) dangereuses et absentes des produits Bio. De fait la liste est longue et presque illisible, et surtout composée pour la plupart de substances aux noms chimiques relativement compliqués : le lecteur ne pourra jamais l'apprendre par cœur, et on se doute même qu'il ne la lira même pas, ni en entier ni en partie.

Pourtant, si on lit vraiment la liste, on découvre des surprises : il y a bel et bien des substances "naturelles". Voire, il y a beaucoup de substances naturelles, qui non seulement ne sont pas forcément dangereuses, mais qui sont présentes dans beaucoup de produits et d'aliments naturels (et Bio), et qui souvent sont importantes voire fondamentales pour la santé et pour l'alimentation humaine : sels, vitamines, fibres, acides aminés... À vous de les trouver.

BUT DE L'EXERCICE : trouver dans la liste au moins 15 substances naturelles importantes pour l'homme. Faites-en la liste, et soulignez-les/marquez-les sur l'affiche imprimée. Si elles sont dans la liste sous leur nom chimique, dites aussi quel est leur nom courant. Si vous en trouvez plus de 15 ce sera bien sûr apprécié.

Certaines substances sont présentes avec leur nom courant, d'autres, pourtant familières, se cachent derrière un inquiétant nom chimique. De fait, les auteurs de la publicité ont recopié aveuglement la liste des additifs permis dans l'Union européenne, sans se soucier de ce que ces additifs sont vraiment. Je rappelle par ailleurs que si un additif est accepté par l'UE (plus précisément par l'agence européenne EFSA qui s'occupe de la sécurité des aliments, en suivant des règles très strictes), c'est qu'on a prouvé qu'il n'est pas dangereux pour les consommateurs dans les usages et les doses en question...
Cette affiche est hélas un exemple d'école de publicité trompeuse et antiscientifique :
1) on laisse croire que les substances en questions sont dangereuses, alors que ce n'est pas forcément le cas (et sûrement pas parce qu'elles sont "de synthèse").
2) on laisse croire que ces substances ne seraient pas "naturelles", alors que cela est également faux,
3) Enfin, on laisse croire que ces substances seraient absentes des produits Bio, alors que cela est faux aussi. En bonne partie les substances de la liste sont présentes dans les produits Bio, soit naturellement, soit comme additifs (oui, le Bio permet bien sûr, dans les produits Bio transformés, l'usage d'additifs chimiques, s'ils ne sont pas synthétisés par l'homme). De fait, la même substance peut être fait passer comme dangereuse, ou pas, selon que le produit a, ou non, le label AB.